Ma thèse (PhD)

Ce projet a été développé avec le Dr Luca Fumagalli et financé par le Fonds National Suisse (FNS) et la Société Vaudoise de Sciences Naturelles.

Phylogéographie des principales vipères européennes (Vipera ammodytes, V. aspis, V. berus), structuration génétique et multipaternité chez Vipera berus

Résumé

Les vipères du genre Vipera sont des serpents venimeux distribués dans la totalité du Paléarctique. Malgré cette répartition considérable, elles sont extrêmement menacées, leur déclin étant principalement dû à la destruction et à la fragmentation de leur habitat ainsi qu'à la persécution humaine. Afin d'apporter de nouveaux éléments dans le contexte de la protection de ce groupe de reptiles, nous avons utilisé durant ce travail de thèse différents marqueurs moléculaires pour étudier la structuration génétique à petite et à large échelle chez trois espèces appartenant au genre Vipera.

La première étude, une phylogéographie moléculaire de la vipère ammodytes, a montré dans l'ensemble de l'aire de répartition une forte structuration génétique provenant d'isolements antérieures au Pléistocène. La présence d'un nombre important de clades dans le centre des Balkans suggère que cette région a fourni de nombreux refuges isolés durant les glaciations. Ces dernières ont également eu un impact considérable sur la diversité génétique au sein de la majorité des clades, suite à d'importants goulots d'étranglement durant le Pléistocène.

L'étude de la phylogéographie de la vipère aspic (Vipera aspis) a montré une différenciation génétique entre les populations présentes de chaque côté des Alpes, mais également une forte structuration interne avec la mise en évidence d'un refuge en France. Cette étude est la première à établir clairement l'utilisation d'un refuge français pour un vertébré terrestre.

La troisième partie de cette thèse a étudié la phylogéographie de la vipère péliade (Vipera berus), espèce cible de ce travail. En plus de la mise en évidence d'un groupe génétique inattendu (localisé dans le nord de l'Italie, le sud de l'Autriche, le nord de la Slovénie et l'extrême sud-est de la Suisse), la variabilité génétique au sein du groupe nordique (comprenant les animaux de l'entier de l'aire de répartition de l'espèce à l'exception des individus du groupe italien et les animaux provenant des Balkans) est suffisamment importante pour conclure à l'utilisation de refuges glaciaires nordiques durant les dernières glaciaires, en complément des refuges habituellement décrits pour la majorité des espèces animales (soit les péninsules ibérique, italienne et balakanique).

Ces résultats nous ont conduit à effectuer une étude morphologique (quatrième partie) comparant les vipères péliades du "clade italien" et du "clade nordique" décrits ci-dessus. Seules de petites différences morphologiques ont pu être mises en évidence, malgré une séparation de ces groupes estimée à plus d'un million d'années.

Une étude à plus petite échelle, centrée sur le Massif jurassien et certaines populations alpines et françaises, a été entreprise afin d'estimer leur diversité génétique et d'évaluer la structuration génétique entre les populations à l'aide de marqueurs microsatellites (cinquième partie). Une importante structuration a été observée entre les populations distantes de plus de 3 kilomètres, la structuration entre les populations plus proches étant plus limitée. De plus, une diversité génétique plus faible dans les populations jurassiennes et alpines comparativement aux populations du massif central et de la côte atlantique a été constatée, probablement due à une perte de diversité génétique lors de la recolonisation post-glaciaire.

La sixième étude s'est intéressée au succès reproducteur des mâles de vipères péliades en conditions naturelles. Une corrélation entre la taille des mâles et leur succès reproducteur a été relevée, les individus de plus grande taille ayant un succès reproducteur plus élevé. Le taux de multipaternité a aussi été investigué, démontrant que la proportion de pontes issues de plusieurs pères est élevée (69%) malgré la faible densité de vipères observée sur le site étudié. Finalement, aucun lien entre le nombre de pères au sein d'une ponte et la mortalité des jeunes à la naissance n'a pu être mis en évidence, contrastant avec des travaux précédents.

En conclusion, l'observation de la structuration très marquée chez les vipères péliades devrait permettre d'affiner les méthodes de protection de l'espèce dans le massif jurassien. A plus large échelle, l'importante structuration génétique observée chez les vipères ammodytes, aspic et péliade résultant de l'utilisation de nombreux refuges glaciaires, complémentaires aux refuges habituellement utilisés par les espèces animales, démontre l'intérêt de l'analyse phylogéographique des reptiles pour la compréhension des phénomènes de colonisation et d' extinction des populations durant la fin du Tertiaire et le Quaternaire. La mise en évidence chez les différentes espèces de vipères étudiées de nombreux groupes génétiques distincts (ESUs) devrait conduire à des modifications de la taxonomie ainsi qu'au statut de protection de ces espèces.


Ma thèse a été rédigée en français afin d'être diffusée auprès des organismes locaux de protection des de la faune et des reptiles. Cependant, tous les chapitres principaux ont été ou seront publiés dans différentes revues scientifiques.

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Chap. 1 Introduction générale  
Chap. 2 Phylogéographie de la Vipère ammodytes (Vipera ammodytes, (L, 1758)):évidence de multiples refuges glaciaires dans la péninsule balkanique voir aussi: Ursenbacher et al., 2008
Chap. 3 Phylogéographie de la vipère aspic (Vipera aspis) basée sur l'analyse de l'ADN mitochondrial: indices de refuges multiples autour de la Méditerrannée voir aussi: Ursenbacher et al., 2006
Chap. 4 Phylogéographie de la vipère péliade (Vipera berus) basée sur des marqueurs mitochondriaux et détermination des refuges utilisés durant le Pléistocene voir aussi: Ursenbacher et al., 2006
Chap. 5 Y-a-t-il des différences morphologiques entre les deux clades génétiques de la vipère péliade (Vipera berus berus)? voir aussi: Ursenbacher et al., 2004
Chap. 6 Variations génétiques chez les populations résiduelles de vipères péliades (Vipera berus) du Massif jurassien: implications sur la conservation voir aussi: Ursenbacher et al., 2008
Chap. 7 Succès reproducteur et paternité multiple chet la vipère péliade (Vipera berus) en condition naturelle voir aussi:
Chap. 8 Conclusion et implications pour la protection des espèces